Assis, seul, sur le bord du banc, il fixe les
Assis, seul, sur le bord du banc, il fixe les lucioles qui dansent au-dessus des voies. Entre 22h et 6h30, c'est son banc. Quatre mauvaises planches rivetées sur des arceaux métalliques. Une île perdue dans l'immensité du quai n°3. Les années l'ont rongé comme une lèpre. Des écailles de peinture s'accrochent à son velours râpé. Des centaines de fessiers ont patiné cette oasis pour voyageurs fatigués.
Pour lui, et rien que pour lui, les signaux préparent un ballet que le passage d'une rame n'interrompra pas. Un vieux blues dans la tête, il écoute, regarde, hume cet océan bigarré. Il est toujours prêt à boire sa névrose jusqu'à la lie, à aller jusqu'au bout de la nuit pour étancher sa soif de lumières.
Il ferme un oeil. La perspective bascule. La symétrie des étoiles n'est plus que désordre. Il penche la tête. Le rouge et le vert ne font plus qu'un. Il invente des couleurs sur une palette dont lui seul connaît les nuances.
6hl2. Deux rayons de soleil viennent éteindre les rampes. Le rideau se baisse. Il se lève.
"Laroche Migennes, deux minutes d'arrêt" mouline le haut parleur.
Vincent Roussot
La question actuelle reste celle de l’aveu. L’aveu du point de vue.
On peut se laisser à aller à écrire les trains, le voyage, la nuit et sa permission. Affirmer l’errance, celle du coin de la rue de la gare, affirmer que dans l’errance gît la palpitation : se rassurer sur « l’errer ».
Sous le joug de son affirmation, l’errance erre dans le domaine d’un coin connu loin du connaissable.
Points de vue sur l’errance, ou :
laisse errer les points de vue après les tiens !
Mais dans le désert, on est peu disert.
On est peu disert.
Le silence : second souffle après l’accablement.
Philippe Vaernewÿck